« L’entreprise familiale est incarnée, avec moins de niveau hiérarchique et une aversion à l’endettement »
Les entreprises familiales ont pour objectif de traverser les générations. Aussi, elles adoptent des stratégies de long terme, misent sur le capital humain et plus d’auto-financement, comme le souligne Philippe Grodner, président du Family business network.
Philippe Grodner, président du Family business network.
Philippe Grodner préside le chapitre français du Family business network, association internationale d’entreprises familiales qui compte plus de 20.000 membres dont 2.300 en France. Entrepreneur, il a longtemps codirigé, avec sa soeur Catherine, l’entreprise fondée par ses parents, la marque de lingerie Simone Pérèle , désormais dirigée par son fils Mathieu et sa nièce Stéphanie.
Que représentent les entreprises familiales dans l’économie française ?
Les entreprises familiales représentent 83 % des entreprises françaises, toutes tailles confondues, et 53 % des emplois. Elles génèrent environ 60 % du PIB. Surtout, leur longévité est de 60 ans en moyenne, et même de 80 ans parmi les adhérents du Family business network, contre 20 ans pour les entreprises classiques. Leur taux de croissance moyen est de 5,2 % contre 4 % pour les entreprises classiques.
Comment expliquer cette pérennité et ces performances ?
Cela s’explique tout d’abord par leur vision à long terme. Leur capital est plus stable, ce qui permet plus de sérénité pour construire une stratégie sur le temps long . Par ailleurs, elles accordent une grande place au capital humain : l’entreprise familiale est incarnée, avec moins de niveau hiérarchique, une culture d’entreprise plus forte. On y retrouve donc par exemple 18 % d’absentéisme en moins, moins de conflits sociaux aussi : en cas de problématique, le premier réflexe est de trouver des solutions sans toucher au capital humain. Elles ont une aversion à un endettement trop prononcé, et donc savent mettre en place des stratégies pour travailler sur l’auto-financement et donc le rendement intrinsèque de leur activité.
Quelles sont leurs clés de réussite sur ce long terme ?
Il est capital de mettre en place une gouvernance claire, car pour grandir, l’entreprise doit souvent attirer des talents extérieurs. Rédiger une charte familiale fixant les conditions d’accès au management est nécessaire. Il est également important d’avoir des administrateurs extérieurs pour challenger la direction. Cependant, la transmission est une faiblesse française, pas seulement pour des raisons fiscales mais aussi de gouvernance, de pédagogie, d’anticipation.
Les nouvelles générations sont pleines d’envie mais parfois tiraillées entre la famille et leurs aspirations personnelles. Il est capital de faire de la pédagogie sur la notion d’actionnaire responsable, de leur montrer le pouvoir qu’une entreprise familiale peut avoir sur l’emploi, l’innovation, l’environnement, l’inclusion. Ainsi, la « next génération » pourra trouver du sens dans l’entreprise familiale tout en la faisant perdurer.