Cécile Desjardins, revient sur l’étude Adrien Stratégie en partenariat avec le FBN (Family Business Network) France et le METI (Mouvement des Entreprises de Taille Intermédiaires) pour évoquer la longévité des entreprises familiales dans L’opinion du 2 février 2023.
L’étude est consultable ici.
Dans l’univers actuel de « permacrise», les entreprises familiales affichent une longévité deux à trois fois plus importante que les autres. Une prouesse alors que la durée de vie moyenne d’une entreprise – quelle que soit sa taille et sa nature – est passée en un demi-siècle de plus de 60 ans à… moins de 20 ans. Les entreprises familiales se voient, elles, comme des « bâtisseuses de long terme». « Elles agissent sur une échelle de temps long et pensent en générations.
Ainsi, la moyenne d’âge des entreprises membres du Family Business Network (FBN) est de 80 ans, soit plus de trois générations. Un quart d’entre elles sont centenaires », souligne Philippe Grodner, président du FBN France. Selon une étude publiée aujourd’hui par cette association, Adrien Stratégie et le METI (Mouvement des Entreprises de Taille Intermédiaire), cette « résilience hors norme » tiendrait à un modèle de développement spécifique : plutôt que la croissance ou la rentabilité de court terme, les entreprises familiales visent la pérennité. Tout d’abord celle de l’identité.
Si cette dernière « se confond dans un premier temps avec l’histoire et la personnalité du fondateur, elle s’enrichit au cours des générations et au contact des collaborateurs », explique l’étude. Mais aussi pérennité du collectif, avec une forte dimension humaine. « Malgré leur nombre, il y a toujours une connaissance des collaborateurs, de leur prénom, de leurs enfants… », affirme le dirigeant d’un groupe du nord de la France. « On développe des relations de long terme avec les familles et les enfants, qui sont prioritaires pour les stages », renchérit la coprésidente d’un groupe agroalimentaire.
Et, bien avant la « vague RSE », les entreprises familiales se sont toujours projetées dans un écosystème de long terme. « Pour moi, la RSE n’existe pas, c’est génétique, on n’a pas de certification mais on est responsable de notre environnement », illustre un industriel du Centre de la
France. Indépendance. Enfin, la pérennité de l’indépendance capitalistique et décisionnelle demeure un sujet aussi crucial que délicat dans beaucoup de structures. « On préfère faire moins de chiffre d’affaires dans les prochaines années mais conserver notre indépendance », reconnaît un industriel cité dans l’étude. Si l’opérationnel peut parfois faire appel à des profils externes, la plupart des entreprises familiales souhaitent toujours que la majorité du capital demeure au sein de la famille. « Selon plusieurs études réalisées par le FBN, environ 75 % des dirigeants ont l’intention de transmettre. Malheureusement, par manque d’anticipation – et parce que le pacte Dutreil n’est pas assez connu -, le taux de transmission intrafamiliale en France se situe finalement entre 15 et 22 %. Il atteint 50 % en Allemagne et 70 % en Italie », rappelle Caroline Matthieu, déléguée générale du FBN France.
Pour garantir cette pérennité, les entreprises familiales jouent sur différents leviers.
La solidité financière, tout d’abord : une « gestion de bon père de famille », pour faire dans un cliché encore bien réel en termes de capitaux propres comme de trésorerie. « On encaisse avant de dépenser. On exige une avance de 40 % de la part de nos clients. Notre besoin de fonds de roulement est négatif », explique le dirigeant d’une ETI industrielle.
Un objectif de croissance « raisonnable », ensuite. A l’opposé des ambitions d’hypercroissance affichées aujourd’hui par nombre de « scale-up ».
« Croître trop vite peut être dangereux » pense-t-on dans les entreprises familiales, avec même l’idée sous-jacente que « l’important, ce n’est pas de croître, c’est de se développer ». Enfin, l’axe stratégique de ces entreprises semble résolument centré sur le client. Ce qui implique une grande capacité d’adaptation et un oeil toujours attentif à l’innovation.
Un industriel explique ainsi « on met en « numéro un » notre consommateur : la stratégie doit être drivée systématiquement par les besoins clients ». Une évidence, mais peut-être trop souvent oubliée.
https://www.lopinion.fr/economie/entreprises-familiales-les-cles-de-la-longevite